Cho Koo-Rae, ambassadeur de Corée en Tunisie : « Vers un partenariat complet entre nos pays »

Nous avons rencontré l’ambassadeur de la République de Corée en Tunisie, Son Excellence Cho Koo-Rae, qui nous a accordé l’entretien suivant. Il y aborde les questions relatives à l’économie, la culture, la coopération entre gouvernements et l’appui au secteur privé. La Tunisie et la Corée célèbrent en 2019 le cinquantenaire de l’établissement des relations diplomatiques entre les deux pays.

Comment se portent les relations entre la Tunisie et la Corée, cinquante ans après l’établissement de relations diplomatiques entre nos deux pays ?

Un cinquantième anniversaire est toujours un moment historique et le nôtre a été marqué par des échanges de haut niveau. Pour la première fois, un Premier ministre de la République de Corée a visité la Tunisie.

Cette visite a permis aux premiers responsables des deux pays d’exprimer leur aptitude à approfondir les relations dans le cadre d’un partenariat complet (« Comprehensive Partnership ») qui, dans sa globalité, s’appuie sur l’économie ainsi que les questions de défense et de sécurité, le développement international et la culture.

Pour matérialiser notre élan de coopération, nous avons consolidé cette année une chambre de commerce tuniso-coréenne qui devrait constituer une plateforme de choix pour notre coopération. Cette structure réunit aussi bien des hommes d’affaires que des entreprises.

« La culture est au centre du cinquantenaire »

Comment s’est déroulée la célébration du cinquantenaire des relations diplomatiques entre la Tunisie et la Corée ?

Cette année du cinquantenaire a aussi été l’occasion de plusieurs célébrations. La culture était ainsi au coeur de la commémoration. Les Tambours de Tago que nous avons invité ont affiché complet à deux reprises à la Cité de la Culture. L’Orchestre symphonique de Busan a joué à deux reprises au Théâtre municipal avec des musiciens tunisiens devant un public des grands jours.

De même, la Caravane de la Société Corée-Monde arabe a présenté à deux reprises, devant un public record, un spectacle combinant tradition et modernité.

C’est une possibilité de choix pour mieux connaître la culture coréenne. Nous sommes fiers en ce sens que les jeunesses tunisienne et coréenne se soient réunis pour plusieurs performances car nous restons convaincus que les nouvelles générations continueront à construire une relation solide entre nos deux pays.

Nous avons aussi organisé un concours maghrébin de danses du style K-Pop, avec une dizaine de groupes tunisiens qui y ont participé. La culture a été au centre des célébrations nous offrant une chance de mieux nous connaître.

« La Tunisie est le hub idéal pour travailler avec l’Europe et le Moyen-Orient »

Pouvez-vous nous parler de la présence économique coréenne en Tunisie ?

Les Tunisiens connaissent bien des entreprises comme Kia, Samsung ou LG. Il existe aussi des usines comme celle de « Yura Corporation » qui se trouve à Kairouan. Cette entreprise emploie plus de mille personnes et a eu des périodes où elle avait embauché jusqu’à 1500 personnes et plus.

Cette entreprise contribue pleinement à l’économie locale et exporte depuis 2008 des pièces de rechange automobiles en Europe.

Une nouvelle grande entreprise coréenne va bientôt voir le jour en Tunisie. Il s’agit de l’entreprise publique « Korea Tobacco and Ginseng Company ». Une succursale de cette entreprise ouvrira pour l’Afrique du nord avant la fin de l’année 2019.

Pour cette entreprise, la Tunisie est le hub idéal pour travailler aussi bien avec l’Europe que le Moyen-Orient.

« Une stratégie avec les agences de voyages pour le retour des touristes coréens »

Qu’en est-il du tourisme ? Verrons-nous un retour des touristes coréens ?

Cette année, nous avons baissé le niveau de l’avertissement aux voyageurs en ce qui concerne la Tunisie.

Désormais, nous travaillons pour attirer plus de Coréens et pour cela, l’ambassade travaille avec des agences de voyages afin de promouvoir la destination. Une stratégie en ce sens est en cours de mise en place.

« Encore plus de bourses pour les étudiants tunisiens »

Et les étudiants ? Quelles sont les nouveautés ?

D’ici 2020, il y aura plusieurs évolutions dans le domaine des échanges entre institutions académiques. Nous avons constamment augmenté le quota des boursiers tunisiens pour la Corée.

Nous allons continuer à le faire car les résultats des étudiants tunisiens sont probants et ils rentrent au pays pour contribuer au développement. D’autre part, nous allons élargir le champ des échanges académiques.

Notons aussi qu’il existe une tendance chez les étudiants tunisiens à se mettre à l’apprentissage du coréen. De même, des étudiants coréens viennent en séjour linguistique, apprendre l’arabe en Tunisie.

Enfin, l’Université de la Manouba devrait prochainement accueillir un centre coréen pour dynamiser les échanges académiques.

« La Tunisie peut être un pays de pointe dans le domaine des TIC »

Quels sont les grands axes de coopération entre la Tunisie et la Corée ?

La coopération entre nos pays est multiple. Par exemple, avec le gouvernement tunisien, nous travaillons à développer le système de transparence. Ainsi, par exemple, la numérisation des données cadastrales est un projet de coopération qui peut avoir des résultats concrets en termes de recouvrement des taxes. La digitalisation de ces données peut rendre service aux décideurs, éviter les conflits et constituer une étape dans un processus plus large.

Un autre projet ayant un impact certain sur la transparence est celui qui consiste à numériser les services douaniers. D’ici l’an prochain, une étude sera engagée en ce sens. Toujours avec le gouvernement tunisien, nous travaillons sur une plateforme d’éducation à distance (e-learning) à l’usage des municipalités.

Il existe ainsi plusieurs volets de coopération pour l’utilisation des technologies de l’information et de la communication développées en Corée. Cela devrait contribuer à renforcer l’administration tunisienne. Selon notre conception, une administration plus transparente et plus efficace est un gage de renforcement démocratique.

Dans ce même domaine, un projet de promotion d’un outil démocratique et moderne qui donne aux citoyens la capacité d’évaluer la performance de leurs dirigeants est en cours de réalisation. Ce système nommé e-people permet à l’opinion publique d’exprimer ses points de vue et d’intervenir dans le cadre d’une sorte de pétition ouverte et permanente. De même, pareil système encadre l’action publique dans les limites de la légalité et rend tout écart visible.

Avec e-people ou e-learning, nous utilisons pour le mieux les technologies de l’information et de la communication et partageons notre expérience avec le gouvernement tunisien. La Tunisie peut être à la pointe dans ce domaine à l’échelle maghrébine et arabe.

« La Corée ressemble à la Tunisie »

Quelle est la philosophie qui sous-tend les relations entre la Tunisie et la Corée ?

La Corée ressemble à la Tunisie. Notre histoire comme la vôtre est riche. Nous sommes aussi un petit pays sans ressources significatives. Nous sommes également entourés de pays de plus grande taille spatiale et démographique.

Nos deux pays n’ont pas de ressources naturelles mais des ressources humaines. L’atout national coréen, c’est le peuple et son intelligence. C’est aussi le cas de la Tunisie. C’est pour cela que nous avons beaucoup à partager y compris nos expériences respectives. Par rapport à la taille de l’économie coréenne, le marché tunisien représente des échanges de 200 millions de dollars US par an. En comparaison, notre économie traite 1 trillion de dollars par an.

Dans notre philosophie, la Tunisie, si elle n’est pas un marché, demeure un pays qui compte car c’est un hub entre Europe, Afrique et Moyen-Orient. Nous avons de bonnes relations et il existe en Tunisie un potentiel de partenariat important.

« Nous cultivons nos contacts avec l’Utica et la Conect »

Ce partenariat se développe-t-il en priorité avec le secteur privé ?

Le succès et le progrès viennent du secteur privé. C’est le privé qui embauche et crée la richesse alors que le gouvernement et le secteur public sont les garants de la légalité. En Tunisie, nous cultivons nos contacts avec L’Utica et la Conect. La chambre de commerce tuniso-coréenne est aussi un nouvel atout. Nous avons reçu et continuerons de recevoir de nombreuses délégations coréennes.

Il existe avec la Tunisie une piste de travail business to business car beaucoup d’entrepreneurs coréens cherchent des partenaires fiables pour lancer des projets. Il existe aussi un axe de travail entre gouvernements, notamment dans le domaine de la numérisation de l’administration.

Les progrès sont palpables et devraient se poursuivre. Enfin, dans un futur proche, après la visite en Tunisie du Premier ministre de la République de Corée en décembre 2018, une visite du Chef de gouvernement tunisien est attendue dans le cadre de la réciprocité.

Propos recueillis en anglais et traduits par Hatem Bourial